LDH Toulon  |   Page précédente

Résumé du rapport du Professeur Bernard ROQUES (juin 1998)

Objectifs et méthodes

Faire le point sur les effets à court et à long terme des substances licites et illicites, en particulier pour le système nerveux central. Les connaissances actuelles sur les bases neurobiologiques sont analysées ainsi que les travaux sur les éventuelles prédispositions biologiques et génétiques des comportements compulsifs et, sur le plan psychiatrique, leur parenté avec d'autres pathologies du même type. La dangerosité individuelle et collective a été examinée au regard des bilans statistiques sur la prévalence, la morbidité et la comorbidité des substances.

Conclusions

La consommation de toutes les drogues conduit à une stimulation de la voie dopaminergique mésocorticolimbique qui a un rôle majeur dans le système de récompense. Ceci n'est pas spécifique aux drogues et il n'existe pas de corrélation directe entre la libération de dopamine dans le système limbique et le risque de dépendance ou même l'intensité de la récompense. C'est la faculté d'établir un état hypersensibilisé du système dopaminergique qui caractériserait les « drogues dures ». Cette hypothèse n'est pas parfaitement établie et son mécanisme moléculaire demeure inconnu.

Une prédisposition biochimique au comportement abusif se mettrait en place au cours des premiers contacts avec la drogue. À ce stade, deux paramètres joueraient un rôle essentiel : le patrimoine génétique et le contexte socioculturel et émotionnel. Ceci expliquerait que tous les individus ne présentent pas la même vulnérabilité et c'est la conjonction défavorable de ces deux paramètres qui faciliterait la « dérive possible » vers l'addiction.

Les stress répétés lors de la mise en place des réseaux de neurones et la constitution de la personnalité jouent certainement un rôle important dans la vulnérabilité. C'est la raison pour laquelle un environnement familial et socioculturel conflictuel dans l'enfance est un facteur de risque de dépendance particulièrement élevé. Il semble aggravé par la précocité de la première expérience.

Résultats de l'étude comparative de la dangerosité des drogues (cf. tableau) :

La dépendance psychique, évaluée par la longueur des effets de rémanence et l'« attirance » vers le produit ainsi que par l'évaluation approximative des rechutes se manifeste donc avec l'héroïne, le tabac et l'alcool. La dangerosité sociale tient compte des comportements qui peuvent engendrer des conduites très agressives et incontrôlées induites par le produit ou des désordres variés pour se procurer celui-ci et des risques pour le consommateur ou autrui. Ceci conduit à placer l'héroïne, la cocaïne et l'alcool dans un groupe à forte dangerosité. Pour évaluer la toxicité générale, il faut tenir compte du nombre de consommateurs. L'héroïne, l'alcool et le tabac font partie du groupe à toxicité générale élevée.

Aucune de ces substances n'est donc dépourvue de danger, toutes sont susceptibles de procurer du plaisir, le tabac à un degré nettement moins important. Toutes peuvent entraîner des effets de dépendance psychique. On peut néanmoins distinguer trois groupes si on cherche à comparer la « dangerosité » : le premier comprend l'héroïne (et les opioïdes), la cocaïne et l'alcool, le second les psychostimulants, les hallucinogènes et le tabac, les benzodiazépines et plus en retrait, le cannabis. Ce regroupement peut évidemment être modifié à la lumière de nouveaux résultats.

Recommandations  

Recommandations en liaison avec les conclusions  

Développer les études génétiques, la recherche en neuroendocrinologie, en biologie moléculaire, biochimie et en neuroimagerie afin de comprendre les mécanismes de prédisposition, les facteurs de vulnérabilité, les modes d'action, les mécanismes de la dépendance à long terme et la dangerosité en général.

Évaluer la dangerosité à long terme de l'ecstasy ses dérivés apparentés.

En cas de développement d'un médicament actif sur le système nerveux central, faire une étude préalable de son éventuelle utilisation toxicomanogène.  

Recommandations générales

Surveiller plus étroitement le développement des substances à risque d'abus et des nouvelles drogues et centraliser cette information.

Facteurs de dangerosité des drogue (extrait du tableau page 182 du rapport Roques)

    Héroïne (opioïdes)     Cocaïne     MDMA     Psycho-stimulants     Alcool     Benzodiazépines     Cannabinoïdes     Tabac  
Dépendance physique très forte faible très faible faible très forte moyenne faible forte
Dépendance psychique très forte forte mais intermittente ? moyenne très forte forte faible très forte
Neurotoxicité faible forte très forte (?) forte forte 0 0 0
Toxicité générale forte (a) forte éventuellement forte forte forte très faible très faible très forte
Dangerosité sociale très forte très forte faible (?) faible (exceptions possibles) forte faible (b) faible (cancer)
Traitements substitutifs ou autres existants oui oui non non oui non recherché non recherché 0
oui

(a) pas de toxicité pour la méthadone et la morphine en usage thérapeutique
(b) sauf conduite automobile et utilisation dans des recherches de « soumission » ou « d’autosoumission » où la dangerosité devient alors très forte.

Vous trouverez des informations complémentaires sur le site de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ( www.drogues.gouv.fr ).